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mœurs. Mais, ô young ladies, vous nées sur une terre où les influences monarchiques n’ont jamais fleuri, pourquoi vous soumettre à ces honteuses pratiques de geile et d’espionnage ! Ne vaudrait-il pas mieux nous donner l’exemple de votre dédain pour elles et enseigner à nos femmes les sœurs de la liberté ! Après tout, Paris n’est pas une forêt, et il suffit d’un coup d’œil de mépris ou d’un haussement d’épaules, du silence même, pour laisser à la honte de sa tentative un flâneur trop artiste ou un impertinent gandin. Est-il donc vrai qu’à défaut d’autre tyrannie, le respect de l’opinion, quelle qu’elle soit, en Amérique, est un joug !

On assure qu’en revanche de cette soumission momentanée, les jeunes Américaines, une fois de retour dans leur patrie et rendues à leur complète liberté, ne sont plus tentées de revenir à Paris. Là-bas, elles vont, viennent à leur caprice, abordent fraternellement les jeunes gens, se promènent avec eux, flirtent[1] avec fureur, sans jamais avoir à rendre compte de leurs actes ni de leur temps ; maîtresses absolues d’ailleurs dans la maison de leurs mères. À Paris même, sur ce dernier point, on ne sauve guère que les apparences. Plus l’enfant grandit, plus sa liberté s’affirme, s’étend et déborde. La sœur aînée prend sur les plus jeunes les droits d’une mère, et à mesure que le jeune astre monte sur l’horizon, la mère, humblement, s’efface. Autre excès, peut-être. Sans doute. Mais ce peuple, tige nouvelle plantée dans un sol nouveau, croit aux forces de la jeunesse et de l’avenir. C’est en cela que réside son originalité ; c’est en cela que réside sa force.

Tandis que les jeunes Américaines aiment peu follement le séjour de Paris, il n’en est pas ainsi des jeunes hommes. Pourquoi cette différence ! Elle contient bien des choses, tant à propos des nationalités particulières que de la nature humaine en général. Souvenez-vous qu’aux États-Unis, si l’on conçoit de la même manière qu’ici la nature de l’homme et celle de la femme, les conséquences tirées de cette conception sont absolument opposées. Ici, la faiblesse livrée à la force ; là-bas… le contraire ou à peu près. En Amérique, la séduction honnie et punie ; en France, vice aimable et glorifié. Or, quel que soit le rapport des peuples avec leurs institutions, on ne peut nier la force de l’exemple, de l’occasion, ni ces ferments qui semblent exister dans l’humanité à l’état d’infusoires, toujours prêts à fournir, sous des conditions favorables, leurs malsaines générations. Enfin, l’art, l’opéra, la danse… Paris offre tant de plaisirs et tant de beautés !

  1. Le mot flirt indique le manège de in coquetterie.