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notre époque, certifier la race et la nationalité. Elles portent volontiers les jupes courtes et découpées, chargées d’ornements de jais, les hauts brodequins ; les suivez-moi de toutes couleurs s’étalent à flots sur leur nuque. Si elles sont dépourvues de ces grâces timides, uniforme obligé de nos jeunes filles, elles ont en revanche les grâces de la liberté. Elles ne doutent de rien, ni surtout d’elles-mêmes. Elles marchent en filles d’une race conquérante et qui se fait elle-même sa place au soleil. Et si parfois cette disposition s’étend, disent les médisants, jusqu’à l’arrogance, on sait qu’outrer ses qualités est un défaut de tous les pays.

Leur assurance, en outre, nous l’avons dit, tient à l’admirable conduite des hommes de leur nation. Pourquoi n’iraient-elles pas ainsi tout droit devant elles, confiantes, quand elles savent trouver, partout où daignera se poser leur petit pied, une place nette et sans souillure ! Cependant, les choses ont si peu d’équilibre en nos mondes, fussent-ils nouveaux, qu’en vertu de ce système, c’est l’homme dont la réputation et la sécurité se trouveraient en péril, par les attaques impunies d’une faiblesse trop protégée. Que de doux regards l’attirent, qu’il se laisse charmer par de délicieux sourires, qu’il s’oublie trop longtemps dans une attachante conversation, le malheureux est perdu. Les apparences l’accusent, et il se verra condamné à l’amende, ou au mariage, par tous les tribunaux de l’Union.

Mais, en vérité, aux yeux de ces gens-là, Paris doit sembler le monde renversé ! Tout à lait. Les mères américaines se plaignent vivement du peu de sécurité et de vrai respect accordés aux femmes parmi nous, de la galanterie des Français et des indulgences de l’opinion pour ce cas pendable. Elles ont raison. La marque la plus sûre de la dignité d’un peuple est le respect qu’il porte à sa propre nature, aux conditions de sa vie. L’amour est la licence partout où manque la liberté, c’est-à-dire le respect de soi ; et malgré les terreurs de ceux qui réduisent la vertu à ce hasard, ou plutôt à cette négation : l’impossibilité de mal faire, la chasteté vraie a pour sœur la liberté.

Elles se scandalisent encore à Paris de bien autre chose, ces mères de famille américaines, car elles paraissent avoir la ferme conviction que, dans l’union conjugale, aucun autre tiers que l’enfant ne doit être admis. Les jeunes filles, de leur côté, s’étonnent et s’indignent de l’étroite surveillance à laquelle sont soumises les jeunes Françaises. Bon gré mal gré toutefois, elles ont jugé convenable de faire quelques concessions sur ce point, et se font escorter d’une bonne lorsqu’elles sortent sans leurs parents. Étrange garantie, assurément, et faite pour inspirer une triste idée de notre bon sens en même temps que de la dignité de nos