et peut-être n’est-ce point aux compatriotes de nos Parisiennes à le relever ?
Les salons du ministre des États-Unis sont naturellement le point central de réunion de la société américaine à Paris. Mr et Mrs Bigelow, autrefois, recevaient tous les mercredis dans la journée, mais ne donnaient de soirées qu’irrégulièrement et sur invitation, ce qui était jugé par la colonie peu suffisant. À présent, le général Dix, outre ses réceptions du jour, chaque mercredi, reçoit tous les samedis dans la soirée. L’aspect et le ton de ces réunions est à la fois moins solennel et plus froid que nos réunions françaises. L’obligation d’être présenté pour pouvoir s’adresser la parole existe dans cette société démocratique aussi bien, qu’en Angleterre, et, d’un autre côté, le langage et les allures américaines ont l’empreinte naturelle du laisser-aller et de la franchise, sans exclusion peut-être d’un peu de rudesse.
Mais, sous ce rapport, les Américains, — certains, veux-je dire, — protestent et demandent à ne point être jugés en masse à Paris. Au coin de leurs lèvres glisse, en même temps, un de ces sourires qu’on appellerait ici faubourg Saint-Germain, et avec une intonation de même provenance, ils laissent tomber le mot : Shodey, presque intraduisible comme sens exact, et qui signifie à peu près ceci : « L’argent étant le nerf des voyages, ceux des citoyens de l’Union qui viennent à Paris doivent être et sont, en général, des riches, mais non pas des riches à la mode européenne, — qui s’en va d’ailleurs, — c’est-à-dire des aristocrates de manières et d’éducation. Là-bas, l’élaboration incessante de cette triple fournaise du commerce, de l’industrie et de la spéculation, si elle produit énormément, conserve peu ; aussi les riches, en Amérique, sont-ils surtout des enrichis, race connue dans le monde et à peu près la même sous tous les climats. Toute élaboration, en outre, a ses scories. » Tel est le fait économique et social auquel font allusion le mot dédaigneux et le dédaigneux sourire. Où l’aristocratie n’existe-t-elle point !
Assurément, ce n’est ni en Amérique, ni parmi les Américains de Paris qu’elle est inconnue. Si vous désirez être présenté chez leur ministre ou dans quelqu’un de leurs salons, le luxe en vînt-il du pétrole ou fût-il fait de shodey, n’oubliez pas vos aïeux. Certain littérateur de mes amis, honorablement connu, fut assez surpris, en lisant sa lettre d’introduction, de s’y voir recommandé bien moins pour lui-même que pour son grand-père, illustration départementale, qui importait aussi peu que possible aux États-Unis. Ce fait n’est point isolé ; il vient d’une loi bien plutôt humaine que nationale, qui consiste à priser surtout ce qu’on n’a pas. L’Américain, peuple sans ancêtres, et, en tant qu’individu