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sentiment national et populaire, est peut-être encore plus ardente aux États-Unis que parmi nous.

C’est par dizaines de mille que l’on compte à Paris, cette année, les Américains, en dehors même des commerçants venus pour concourir à l’Exposition. En tout temps, ils forment ici une colonie assez nombreuse, composée de deux éléments : l’un de passage, l’autre stationnaire ; celui-là simple visiteur, celui-ci venu avec l’intention de séjourner deux ou trois années. On pourrait même compter en troisième lieu un certain nombre d’Américains, acclimatés à Paris comme dans une nouvelle patrie, et alliés, pour la plupart, à des familles françaises.

La population résidente se compose généralement du corps diplomatique, des banquiers, de familles venues pour l’éducation de leurs enfants, et d’artistes avides d’étudier les chefs-d’œuvre de nos musées. On accuse le peuple américain d’être dépourvu de sentiment artistique ; ce jugement, porté sur un peuple nouveau, qui devait, avant tout, se préoccuper de travail et d’industrie, est trop hâtif. Les artistes américains en appellent, et déjà leurs efforts et leurs ambitions font présager le développement de cette noble et précieuse faculté humaine, qui existe en germe chez tout peuple comme chez tout homme, mais qui exige certains loisirs et certaine éducation de l’esprit. Ce qu’on peut espérer de l’art américain, on le saura cette année, puisque beaucoup d’artistes ont envoyé leurs œuvres à l’Exposition. On cite déjà, parmi eux, MM. Woodberry Langdon, peintre d’origine française ; May, auteur d’un King Lear qu’on dit fort beau ; Rogers, dont les sculptures patriotiques reproduisent les héros et les faits de la dernière guerre ; Hill, dont le pinceau nous apporte les grands paysages californiens.

Dans l’école française, les Américains, rangés par nos rapins au nombre des épiciers de l’époque, recherchent surtout les tableaux de genre. Le peintre Couture a particulièrement leur faveur, et l’on cite un de ses tableaux que vient d’acquérir un Yankee, moins épicier peut-être que malicieux. Jugez-en : c’est une courtisane conduisant son char, auquel sont attelés banquiers, diplomates et autres hommes importants formant l’élite de l’ordre social. Emporter là-bas cette cruelle satire de la vieille Europe, voilà qui est peu généreux, ô Américains. Faudra-t-il envoyer de nos peintres à Washington !

Le quartier général des Américains de passage est le Grand-Hôtel, sur le boulevard des Italiens. Cet établissement, par sa position centrale, ses aménagements intérieurs, son luxe et son confortable, jouit d’une réputation colossale de l’autre côté de l’Océan. On part de New-York pour le Grand-Hôtel ; c’est là