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homme à bonnes fortunes, il connaissait assez le monde pour avoir remarqué qu’il se compose de deux classes : les trompés et les trompeurs. Edgar s’était décidé à choisir la dernière, et depuis quelques années il traitait toutes les passions en homme habile, c’est-à-dire qu’il voulait qu’elles servissent à ses plaisirs et à sa fortune, décidé qu’il était à la rétablir. Miss Edgermond était précisément la personne qui lui offrait le plus de chances de réussite ; remplie de prétentions, la flatterie était un moyen assuré auprès d’elle. Edgar sut si bien s’en servir qu’il se rendit maître de son esprit, et qu’elle lui jura qu’elle ne serait jamais qu’à lui. Peut-être avait-il même une autre espérance : Lionel n’était pas toujours d’accord avec son père ; s’il blessait son orgueil et sa volonté, qui pouvait en prévoir les suites ! Le sort de sir James Edgermond était connu ; et il faut le dire à la honte d’Edgar, il ne blâmait point le rôle que lord Edgermond avait joué dans cette circonstance : il est vrai qu’il n’en connaissait point toute l’horreur ; mais, s’il l’eût connue, est-il bien certain qu’il l’eût blâmée ? Cependant, sir Edgar, si habile à se rendre maître de l’esprit de son oncle et de l’affection de miss Anabelle, venait de se laisser séduire d’une manière assez puissante pour se nuire à lui-même. Jamais femme, même dans sa première jeunesse, n’avait fait sur lui une impression aussi vive que la pauvre et modeste