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vît ses goûts, pour qu’il fût heureux à sa manière.

Je n’osais lui demander le motif de la profonde mélancolie qui la minait ; mais un jour je la surpris à genoux qui priait Dieu de lui rendre son fils, et dès ce moment elle me confia tout.

« Voilà, me dit-elle, en me remettant un petit cahier, ce qui est échappé de mon âme ; car, sans cela, le remords, le désespoir m’aurait étouffée. Chère enfant, gardez ce récit, et si quelquefois vous étiez tentée de céder à l’orgueil, souvenez-vous de moi, ma jeune amie, souvenez-vous-en. »

Depuis ce jour, nous parlâmes souvent de son fils. Elle se plaisait à me détailler les grâces de son enfance ; mais quand elle revenait sur leur dernière entrevue, quand elle disait : « Mon fils m’a presque maudite, » il y avait dans ces paroles un désespoir si déchirant, que je la trouvais trop punie. Que de fois aussi je l’ai vue pleurant sur la magnificence dont elle était environnée !

« Mon fils, s’écriait-elle avec angoisse, mon pauvre enfant manque peut-être du nécessaire. »

À cette époque, l’horrible fléau qui dévasta l’Europe vint s’abattre sur Paris. Chacun trembla pour ce qu’il aimait avant de trembler pour lui-même. Ce fut alors que se révélèrent les vertus de madame de Morange ; car ce ne fut point seulement de l’or qu’elle prodigua pour soulager le malheur, et elle, si faible, si débile,