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étage, somptueux et magnifique, était habité par une dame dont on vantait la bienfaisance et la bonté. Elle n’était plus jeune, disait-on, et le mauvais état de sa santé la forçait de vivre dans la retraite.

De temps en temps pourtant je voyais monter dans un bel équipage une forme de femme frêle, délicate, et se soutenant à peine.

Un jour je m’élançai imprudemment ; les chevaux partirent avec impétuosité, la roue me rejeta sur les marches de l’escalier ; je pouvais, je devais être écrasée. Un cri perçant sortit de la voiture, et, peu de minutes après, je revins à moi dans les bras d’une femme plus pâle peut-être, plus effrayée que je ne l’étais moi-même. Ses larmes tombaient sur mon front ; elle paraissait désespérée. Je me hâtai de la rassurer. Elle exigea néanmoins que son médecin m’examinât avec le plus grand soin.

Depuis cet accident je vis tous les jours madame de Morange, et tous les jours je m’attachai davantage à elle, car elle avait une bonté, une grâce que je n’ai rencontrée dans personne ; mais c’était une grâce abattue et mélancolique. Je ne l’avais jamais vue sourire, et pour tant elle se plaisait à voir la joie des autres. Jamais non plus elle ne paraissait importunée des manières de son mari, qui étaient si différentes des siennes. Elle trouvait même toujours des prétextes pour qu’il sui-