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de Morange, comment ce récit est arrivé jusqu’à moi. On affirme tant de choses pour donner un air de vraisemblance à l’histoire la moins vraisemblable, que moi, qui n’ai ni l’art ni la magie du style, j’ai peur d’inspirer bien peu de conviction. Il est pourtant certain que je n’ai inventé ni arrangé aucun de ces événemens, et que le touchant intérêt que la vérité leur donne m’a seul engagée à l’offrir aux éditeurs du Livre rose ou Causeries de jeunes femmes. Ce dernier titre fut pour moi comme si on m’avait dit : Révélations des peines du cœur, des erreurs, des faiblesses et des passions. Pourquoi, me suis je demandé alors, ne livrerais-je pas au public une vie de femme malheureuse, et malheureuse par sa faute, une vie qu’elle a écrite dans ses jours d’intolérable ennui, dans ses plus longues nuits d’insomnie et d’angoisse ?

Mais qu’est devenue cette infortunée ? se demandera-t-on après avoir connu ses malheurs ; souffre-t-elle encore, ou la mort a-t-elle fini ses longs chagrins ?… Hélas ! je ne suis point auteur, et je ne sais comment faire passer dans l’âme de mes lecteurs l’attendrissement qui me prend à son souvenir ; mais je l’ai vue mourir, et je n’ai pas à me reprocher d’avoir oublié sa tombe : tombe fastueuse, ornée de marbre et de bronze, mais où viennent du moins couler les pleurs d’un fils.

Je demeurais depuis près de deux ans, avec ma famille, au quatrième d’une maison dont le premier