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Malgré ma faiblesse, je marchais avec rapidité ; mon état tenait de la folie. J’arrivai devant la maison de M. de Bermon ; j’entrai sans rien demander ; mais, arrivée à la moitié de l’escalier, il me sembla entendre des gémissemens étouffés : alors, poussée par cette fièvre d’opium qui me soutenait encore, je n’hésitai pas ; je franchis plusieurs pièces, et dans la dernière, étendu sur un lit, caché sous un linceul, reposait froid et immobile mon Charles, mon époux, celui que je n’avais jamais cessé d’aimer ; à genoux près de lui, baignant de ses larmes les mains livides de son père, je revis mon fils. Il leva les yeux, et, me repoussant d’un geste, il s’écria :

« Laissez-moi, laissez-moi seul avec lui !

— Il est mort, prononçai-je d’une voix brisée, il est mort sans que sa main ait pressé la mienne, sans qu’il m’ait dit un mot de pardon !…

— Vous êtes donc ma mère ? s’écria le fils de Charles en se levant. Ah ! comment avez-vous pu l’abandonner, lui si bon, si noble, si parfait ? » Et d’amers sanglots sortaient de sa poitrine. « D’hier seulement, continua-t-il, je sais que vous existez ; je vous avais pleurée morte, et je croyais répandre ces larmes sur un doux souvenir ; mais quand mon père s’est vu près de mourir, il m’a dit que vous existiez, que je devais vous aimer, vous respecter, et que cependant vous étiez l’épouse d’un autre. Ah ! j’en suis sûr, vous l’auriez cherché plus tôt