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respiration courte et pénible ; le jardin, qui n’avait pas encore été illuminé de ce côté, s’éclaira tout-à-coup, et je reconnus dans cet homme mourant, dans cette figure pâle et flétrie, l’objet de mon premier, de mon unique amour, Charles, le père de mon fils. Je restai là les yeux fixés sur cet objet si cher.

Il revint un peu à lui ; il essaya de rassurer son fils, et le gronda doucement d’avoir causé du dérangement et d’avoir accepté une voiture. Cependant, vaincu par ses instances, il essaya de se soulever pour s’y rendre ; alors il tourna la tête du côté où j’étais : mon vêtement blanc, mon attitude le frappèrent sans doute ; car il porta la main à son front, et, baissant la tête sur sa poitrine, il perdit de nouveau connaissance.

Non, je ne puis dire ce que je souffris. C’était la première fois que je revoyais Charles depuis douze ans ; la mort l’avait marqué de sa fatale empreinte, et moi, j’étais couverte d’habits de fête, entourée de plaisirs et de luxe, et peut-être plus malheureuse que lui.

On l’emporta ; je restai pâle et glacée, tenant les barreaux de fer d’une main raidie. On me cherchait, et on me retrouva tellement changée, les yeux si pleins d’égarement et de désespoir, que M. de Morange devint bientôt aussi triste qu’il était joyeux. Quand nous fûmes seuls, je me jetai presque à ses genoux en le conjurant de me laisser sortir.