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deau de diamant les nuages de mon front ! J’espérai que le changement de lieu pourrait me distraire : je voyageai, je parcourus des pays nouveaux ; mais toujours le chagrin qui dévorait mon cœur me suivait. Enfin, j’achetai une terre magnifique ; j’y fondai une école de jeunes filles, un hospice de vieillards ; je réparai autant qu’il fut en moi les malheurs des autres. Le temps m’avait appris à cacher mes peines, mais ne les avait pas détruites. Cependant je croyais que ma reconnaissance pour M. de Morange m’ordonnait d’être heureuse, ou du moins de le paraître. Je m’interdisais jusqu’au nom de mon fils ; et pourtant le Ciel sait que le bonheur de le revoir était le seul rêve de ma vie. Hélas ! je devais le revoir ; mais à quel prix !!!

Douze ans s’étaient écoulés depuis ma séparation d’avec M. de Bermon. Ma fête arriva. Ordinairement M. de Morange la célébrait par des réunions nombreuses. Celle-là il me proposa de la passer en tête-à-tête, et d’aller diner dans la maison d’un de ses amis absent. Assez indifférente sur tout, j’éprouvai pourtant de l’étonnement de ce changement de goûts chez un homme qui aimait autant la dissipation et le luxe, et, me reportant vers le temps où ma fête, célébrée pourtant simplement aussi, me paraissait si charmante, je sentis ma tristesse devenir plus profonde ; mais voyant combien elle affligeait M. de Morange, je tâchai de la vaincre, et