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sa main le passa à la mienne : « Premier anneau d’une chaîne indissoluble, tu ne dois jamais quitter cette main ! »

J’épuisai mes dernières forces en prononçant ces paroles, et je demeurai sans connaissance. Il faut avoir été livrée au plus cruel abandon, être restée long-temps seule à dévorer ses larmes, pour concevoir quel charme on éprouve à sentir un autre gémir avec vous.

Cet autre, j’ignorai long-temps qui c’était, car je restai bien des jours dans un état de faiblesse qui m’ôtait même la force de le demander ; mais je sentais qu’on pressait mes mains, qu’on les mouillait de larmes ; j’entendais qu’on donnait d’une voix basse, au tour de moi, les ordres les plus précis pour me procurer toutes les douceurs de la vie. Bientôt même on me transporta dans un jardin rempli de fleurs ; des oculistes m’entourèrent : il fut décidé que je ne perdrais pas la vue, mais que j’en serais long-temps privée.

Il serait trop difficile de vous détailler les soins dont je fus l’objet ; mais aussitôt que je fus mieux, je voulus savoir à qui je le devais. Le mari de ma tante, que je n’avais pas vu depuis des années, m’avait, dit-on, cherchée et découverte dans la triste situation où j’étais réduite. Tant que ma faiblesse dura on put me le faire croire. Cependant mon faible cœur cherchait encore à se-tromper lui-même ; hélas ! j’aimais à me persuader