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suffisait cependant à l’existence à laquelle je m’étais condamnée ; mais ce genre de vie consumait mes forces, et bientôt mes yeux, qui avaient versé tant de larmes, me refusèrent leur secours.

Un matin je les ouvris : hélas ! je n’aperçus plus le jour, j’étais aveugle.

« Eh bien ! me dis-je avec résignation, j’ai fait pour soutenir ma vie tout ce que j’ai pu faire ; peut-être un jour Charles donnera-t-il un regret à ma mémoire, peut être permettra-t-il à mon fils de pleurer sur la tombe de sa mère ? » et je n’employai rien pour ma guérison. Ayant bientôt épuisé mes dernières ressources, je ne tardai point à connaître les horreurs de la misère. J’avais près de moi une pauvre femme, très-indigente elle-même, et qui me soignait avec plus de zèle que d’adresse. Elle se lamentait un jour de n’avoir rien à me donner, je l’entendais sans émotion ; car, accablée par le besoin et la faiblesse, il me semblait que je souffrais peu ; mes peines morales même diminuaient depuis que j’en apercevais la prochaine fin.

Tout-à-coup j’entends cette femme jeter un cri de joie ; je sens sa main saisir la mienne ; je sens qu’elle veut m’enlever mon anneau de mariage, et je retrouve assez de forces pour le défendre ; je le presse avec passion sur mes lèvres, et je me répète ces paroles que Charles avait prononcées avec tant de force le jour où