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Je sus gré à M. de Morange de ne s’être pas mêlé à cette conversation. Il marchait sans prononcer un mot, me regardant seulement avec timidité et respect ; il fut même le premier à observer que leur présence pouvait m’être importune : un sentiment malheureux lui donnait un tact qu’il n’aurait peut-être pas eu sans cela. Sa cousine ne consentit pourtant à me quitter qu’après la promesse qu’elle m’arracha de venir à la fête de son mari, qu’elle célébrait le lendemain.

Je me hâtai de rentrer. M. de Bermon était sorti ; je résolus de l’attendre, de m’expliquer enfin. Ah ! si j’avais de cette fois suivi cette heureuse impulsion ; si, forte de ma tendresse, je lui avais redemandé cet amour sans lequel je ne pouvais vivre ; si, faisant taire mon orgueil, j’eusse laisser seulement parler mon cœur, que ma vie eût été différente ! Ô mon fils, j’aurais élevé ton enfance, j’aurais joui de tes succès, je ne t’aurais point privé de ton père ; enfin, je ne pleurerais point sur les fers dorés que je me suis donnés.

Minuit allaient sonner, Charles ne revenait pas ; et ce n’était plus seulement le dépit, la colère qui remplissaient mon âme ; pour la première fois je conçus l’idée d’une infidélité, et d’une infidélité tout entière. Hélas ! ces yeux que j’avais vus si tendres, ils m’apparaissaient exprimant à une autre ce qui n’était dû qu’à moi ; alors, marchant avec violence dans mon apparte-