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Morange, à peine entré dans les fournitures, y avait déjà fait une fortune considérable. Cette fortune lui donnait dans le monde de la consistance, de l’applomb ; il avait le goût du luxe, et ses succès constans en affaires lui permettaient de se passer toutes ses fantaisies ; sans que son éducation fût précisément négligée, il manquait peut-être de cette distinction, de ce tact exquis qui donne tant de charmes aux manières : ayant tout obtenu par l’argent, il croyait lever avec lui tous les obstacles, et, sans croire m’offenser, il répétait à tout le monde qu’il donnerait la moitié de sa fortune pour que je voulusse divorcer.

Je m’étais sérieusement fâchée lorsqu’on m’avait répété ce propos ; mais M. de Morange avait tant de bonhomie dans ses inconvenances qu’on ne pouvait lui conserver une longue rancune. Cependant M. de Bermon me parla, devant sa cousine, de M. de Morange. Sans doute, si nous avions été seuls, tout se serait bien terminé ; mais à une objection que je fis, Louise leva les yeux au ciel ; elle semblait ressentir une si profonde indignation contre moi, une pitié si vive pour son cousin, que je montrai une fierté sans doute condamnable.

Charles m’avait priée de ne pas sortir le jour même ; je ne tins nul compte de cette prière, et je le quittai pour aller faire ma toilette. Le rouge de la colère animait mes yeux ; on me félicita sur leur éclat, sur ma beauté. Je