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Charles, de Charles si aimable, si supérieur à tous les autres hommes !

— Il aime donc sa cousine ? hasardai-je timidement.

— Je ne le crois pas ; et pourtant il m’a dit que si sa tante le voulait, il épouserait Louise. »

Madame Darcy s’arrêta ; et je n’avais pas moi-même la force de parler : la jalousie venait d’entrer dans mon âme, elle l’avait éclairée ; je ne pouvais plus me le cacher, j’aimais un homme presque engagé, un homme qui n’avait point cherché à me revoir, à qui je n’avais sans doute inspiré qu’un sentiment passager de bienveillance.

Rentrée dans ma petite chambre, tout me parut changé, tout me sembla triste, décoloré ; car je devais éteindre un sentiment qui deviendrait bientôt criminel. D’ailleurs, peut-être Charles avait-il déjà oublié cette unique entrevue qui n’avait compté que dans ma vie ? Qu’était-elle en effet pour lui ? Mais pour moi, grand Dieu ! c’était mon unique souvenir. Perdue, anéantie par cette horrible crainte, je passai la nuit dans une stupeur douloureuse, et quand je fus forcée de me lever, je reculai à la vue du terrible ravage qu’en si peu de temps la douleur avait fait sur mes traits. Cependant il me fallait reprendre mes occupations de tous les jours, c’était mon devoir ; et demain, et les jours d’ensuite elles renaîtraient aussi monotones, aussi dénuées de charmes, et il fallait s’y soumettre, car c’est