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dame Darcy mettait à les diriger ; et un pressentiment me disait qu’elle ne s’intéressait pas seule à moi ; cependant, chaque jour elle devenait plus confiante. Un soir, je la trouvai triste, j’osai lui en demander la cause.

« C’est Charles qui m’occupe, répondit-elle ; je crains que par reconnaissance il ne se sacrifie. Je crois vous avoir dit qu’il avait été élevé par ma sœur aînée ; quoi que peu riche, elle avait au moins une petite retraite dans le Languedoc, et moi je n’avais que cet établissement ; ma sœur fut donc plus heureuse que moi, et put se charger de Charles ; et comme elle reconnut bientôt dans lui des qualités aussi solides que brillantes, elle l’envoya faire un cours de droit à Paris. Vous pensez que dans un cœur tel que celui de Charles, la reconnaissance doit être bien puissante : je crains donc qu’il n’en donne une preuve qui l’éloigne de moi et qui l’enchaîne à une femme qui ne le rendrait point heureux. »

Mes joues, qui s’étaient d’abord couvertes de rougeur, devinrent glacées.

Madame Darcy reprit :

« Ma sœur est infirme, et sa fille, son unique enfant, la soigne, il faut le dire, avec une sollicitude que lui inspire une religion exaltée, mais peu indulgente. Louise est dévote, enfin ; son caractère n’a ni grâces, charmes ; sa figure est dénuée de séduction, et c’est une telle femme qui serait appelée à devenir l’épouse