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proposition méritait, et, au retour des vacances, je fus présentée à mes compagnes comme leur nouvelle maîtresse. Toutes m’en témoignèrent de la joie.

Cependant je n’avais point revu Charles ; mais madame Darcy me parlait souvent de lui, et souvent aussi je distinguais le bruit de ses pas quand il entrait dans la maison ; alors ma voix devenait plus faible et s’éteignait quelquefois entièrement ; et tout le temps que durait sa visite, j’étais d’une distraction que des personnes plus expérimentées que mes compagnes eussent pu remarquer. Puis, quand il était parti, un long soupir s’échappait de ma poitrine, mon cœur ne battait plus si vivement, mais il n’espérait plus rien.

Tout cela ne m’apprenait pas que j’aimais Charles, plus que je ne l’aurais dû ; je prenais mon émotion pour une reconnaissance bien naturelle ; je me serais même crue ingrate de ne pas la ressentir ; un sentiment pénible, un sentiment qui devait dominer ma vie ne vint que trop tôt m’éclairer.

Depuis que je n’étais plus pensionnaire, j’avais plus de momens à moi : j’avais le temps de beaucoup lire ; j’éclairais mon esprit, mais j’apprenais aussi combien on souffre dans la vie ; car il est trop vrai qu’on ne devient plus savant qu’en devenant plus malheureux. Mes lectures étaient toujours parfaitement choisies ; je m’étonnais même souvent de la perspicacité que ma-