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une âme jeune et confiante tout ce qu’on peut souffrir de l’injustice, car c’est le premier pas fait dans le malheur que d’avoir à se plaindre des autres. La tête cachée dans mes mains, je sentais mon cœur se déchirer, et je versais d’abondantes larmes quand une voix douce frappa mon oreille ou plutôt mon cœur.

« Oh ! qu’avez-vous donc, prononça-t-elle, qu’avez-vous ? »

Je levai les yeux et je vis devant moi un jeune homme de la plus aimable figure. Mon premier sentiment fut la confusion d’être surprise ainsi toute en pleurs ; je craignis d’avoir l’air d’une pensionnaire ignorante ou envieuse ; ma seconde sensation fut consolante : je me sentais si à plaindre, que je trouvai un grand charme à ce peu de paroles si doucement prononcées. Mais un instinct naturel de pudeur m’avertit que je ne devais pas rester, et me levant vivement, je pris une allée qui me conduisait à la maison. Je ne me retournai pas, et cependant j’aurais bien voulu savoir si les yeux de l’étranger ne m’avaient pas suivie.

Je ne sais quelle révolution s’était faite en moi ; je ne sentais plus cette décourageante tristesse si pénible à supporter. J’entrai dans notre salon de musique ; j’exécutai tour à tour avec facilité sur la harpe et sur le piano les morceaux les plus brillans que j’avais préparés pour le concours. Jamais je ne m’étais sentie autant