Page:Collectif - Le livre rose - 4.pdf/345

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nante, qui était secrètement sa femme ; que ma tante n’a rien pu faire pour moi, puisque son mari se plaint des dettes énormes qu’elle lui a laissées ; qu’enfin, je suis seule au monde à quinze ans. Ah ! je ne songe point à ma fortune, à mon abandon ; ce n’est point dans l’extrême jeunesse que de telles inquiétudes vous assiégent, on croit l’argent si peu nécessaire au bonheur ; je ne pense qu’à cette responsabilité que j’ai maintenant de moi-même, et je frémis de me sentir si peu de forces dans le caractère ; un effroi mortel me glace ; je pressens de longs orages dont je serai victime. Tout déjà me semble aride, décoloré, tout est solitude pour mon cœur ; je repousse presque avec défiance les consolations de mes compagnes ; leur amitié, jusqu’alors si précieuse, n’a plus le même charme : elles sont riches et je ne le suis plus.

Cependant il n’était pas dans mon caractère de rester long-temps moins tendre pour ce qui m’était cher ; je redevins à peu près la même pour mes compagnes ; mes chagrins perdirent de leur amertume, mais ils laissèrent cependant à mon caractère une teinte de mélancolie dont il avait déjà la disposition.

Pourtant j’avais quelques mois devant moi, ma pension étant payée jusqu’à la fin de l’année. Mais après, que deviendrai-je ? Alors je pensai à porter mes talens à un assez haut point de perfection pour qu’ils de-