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même modèle, dirigées par les mêmes élémens, on ne fait point assez d’attention aux penchans plus ou moins forts des jeunes personnes ; hélas ! les idées fausses, les penchans cachés de ces jeunes cœurs, qui les connaît ? qui s’en occupe ? En pension, pourvu qu’on soit soumise, polie, qu’on fasse bien ses devoirs, on ne cherche point à connaître les désirs qui agitent ces âmes si jeunes, et chez qui fermentent déjà tant de passions.

Ma tante était revenue deux fois à Paris depuis que j’étais en pension ; elle parut enchantée de mes progrès dans tous les genres, me répéta vingt fois que j’étais charmante, que j’aurais le plus grand succès dans le monde, et la seconde fois me promit de me retirer pour me reprendre avec elle l’année d’ensuite.

Après son départ, je redoublai de zèle pour les talens qui devaient me faire le plus d’honneur, et, franchissant dans ma pensée cette année qui me paraissait si longue, je ne vécus plus dans le présent ; toute à l’avenir, je ne voyais devant moi qu’une longue suite de plaisirs ; mais à travers ces brillans prestiges apparaissait aussi une idée plus intime, et je rêvais l’amour. C’était pour être un jour plus aimée que je voulais être plus aimable, et si je désirais acquérir une grâce, un talent de plus, c’est que je devinais que le bonheur était, pour une femme, dans l’amour qu’elle inspire. À la fois romanesque et passionnée, j’avais le germe de