Page:Collectif - Le livre rose - 4.pdf/341

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’avais alors huit ans, et vainement avais-je demandé d’embrasser mon aïeul, on m’avait repoussée, et mes larmes n’étaient pas taries quand j’arrivai de nouveau au milieu d’étrangers, étonnés de garder la petite-fille de leur maître ; ils s’attendaient à me trouver ce qu’on m’avait annoncé, impérieuse et méchante.

Cette erreur dura peu : j’étais naturellement douce, facile à conduire ; et mon premier chagrin passé, je m’accoutumai facilement à vivre au milieu de bonnes gens ; mais je n’apprenais rien que le nom des arbres, des fleurs et l’époque des récoltes ; cependant ma santé se fortifiait et j’étais parfaitement heureuse, car j’étais complètement maîtresse de ma volonté, qui consistait à dénicher des oiseaux, à cueillir des noisettes et à déchirer mes robes.

Un matin que je m’adonnais entièrement à cette utile occupation, je vis venir une dame élégamment habillée ; sa figure et son sourire étaient charmans.

« C’est donc là cette pauvre petite, » dit-elle à la fermière qui l’accompagnait ; et me prenant dans ses bras, elle m’embrassa plusieurs fois avec tendresse.

Puis, avec une extrême vivacité qui paraissait dans toutes ses actions, elle me débarrassa de l’énorme bonnet dont m’affublait la fermière, écarta les longs anneaux de ma chevelure, puis se mit à fondre en larmes en me regardant attentivement.