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fenêtre, et je vis le bon vieillard sourire à mes courses enfantines et se complaire à mon bonheur. Ainsi j’avais retrouvé un protecteur, un appui, et je pouvais encore espérer pour mon avenir.

Mais la méchanceté et l’intérêt personnel ne s’endormaient pas : la gouvernante de mon grand-père commençait à craindre l’ascendant que mon innocente tendresse prenait sur lui. Elle avait réussi à l’éloigner de son fils, dont le mariage avec ma mère lui avait déplu : il s’agissait maintenant de m’enlever sa protection, de l’isoler de tous les siens. Il lui restait une fille plus jeune que mon père ; cette fille était mariée et suivait son mari attaché à une ambassade. Je n’avais donc personne pour me défendre ; mais tel était déjà l’ascendant que j’avais sur mon grand-père, que madame Durand aurait peut-être échoué dans ses projets, s’il n’était tombé grièvement malade ; il ne quittait plus son lit, dont on ne me laissait pas approcher, et je passais mes journées auprès de son fauteuil, devenu maintenant solitaire.

Cependant madame Durand me trouvait encore trop près, et un matin elle me réveilla durement, me remit entre les mains d’un homme de la campagne qui venait chaque semaine apporter les provisions. Le soir même, j’arrivai dans une terre dont mon père portait le nom, et dont la fermière fut chargée de me garder.