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obéir, mon grand-père m’arrêta, dit qu’il n’était pas tard et que je pouvais rester. Il commença alors un piquet avec sa gouvernante. Je demeurai sans oser faire un mouvement, tremblante devant cette femme, dont je devinais et redoutais l’influence.

Cependant plusieurs jours se passèrent sans qu’elle osât montrer son humeur, et je restais dans le salon de mon grand-père sans qu’elle pût m’en empêcher. Je savais parfaitement alors remettre le coussin de velours sous ses pieds, lui donner ses gouttes, sa tabatière : je n’avais plus la moindre crainte de Judith ni de la tête d’Holopherne ; mais madame Durand restait l’objet de mon effroi.

Cependant peu à peu je gagnais dans l’affection du faible vieillard : il s’amusait à me faire lire, à m’apprendre par cœur des petits contes ; et moi, je le reprenais en lui disant : « C’était ainsi que faisait maman. » Il m’écoutait patiemment : car il m’aimait. Pendant sa partie de piquet qu’il faisait tous les soirs, il voulait que je me tinsse près de lui, il essayait de me faire comprendre ; il s’inquiétait si j’étais plus triste, si ma santé paraissait altérée ; il en vint même jusqu’à ordonner de disposer le jardin, négligé depuis bien long-temps, afin que j’eusse une promenade ; les rideaux, si hermétiquement fermés, furent tirés, et le fauteuil, qui semblait cloué près de la cheminée, roula jusqu’à la