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Agathe quitta ma main, m’embrassa avec distraction et sortit. Je restai seule, debout devant cette femme que je ne connaissais pas et que je redoutais déjà beaucoup. Elle me fit traverser plusieurs appartemens, et dans un plus vaste encore que tous les autres, fermé par d’épais rideaux, et, malgré la douceur de la saison, échauffé par un grand feu, je trouvai un vieillard assis, ou plutôt couché dans un immense fauteuil ; une riche tapisserie des Gobelins décorait l’appartement ; cette tapisserie était encadrée par des baguettes dorées ; les sujets qu’elle représentait me parurent effrayans : c’était d’abord Judith tenant à la main la tête d’Holopherne ; puis le sacrifice des Machabées.

Ma petite imagination, déjà effrayée, le fut bien davantage à la vue de cette somptueuse magnificence, et je restai là sans faire un pas. Mais la grande femme me poussa rudement vers le vieillard, et je manquai de tomber sur le coussin de velours à franges d’or où reposaient ses pieds.

« Voilà cette petite, prononça durement cette femme, et puisque monsieur a la bonté de la recevoir, qu’en fera-t-on ? »

Le vieillard tourna vers moi des yeux presque éteints, mais remplis de bonté.

« C’est ma petite-fille, dit-il d’une voix brisée ; ma-