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ses sœurs, et surtout miss Anabelle Edgermond, la traitaient durement, se moquaient de sa sensibilité, qui lui faisait répandre des larmes à l’aspect d’un malheureux ou au récit de la douleur d’un autre. Presque toujours souffrante, Marie aimait la solitude, se déplaisait dans ces nombreuses réunions où ses sœurs se montraient avec tant d’orgueil et de complaisance : aussi appelait-elle de tous ses vœux le moment où la famille se rendait dans le Northumberland, où lord Edgermond possédait une fort belle terre. Là, au moins, on vivait un mois ou deux avec un peu de tranquillité ; mais quand la saison des chasses arrivait, avec elle arrivait aussi une société joyeuse : alors les miss Edgermond trouvaient des adorateurs empressés, et la pauvre Marie de nouveaux tourmens ; car, comme elle était la seule bonne musicienne de la famille, il fallait qu’elle passât une partie de ses journées au piano pour accompagner les voix fausses de ses sœurs ou pour les faire danser le soir quand il n’y avait point de bal prié, ni, par conséquent, d’orchestre.

C’était le lendemain d’une de ces soirées, si fatigantes pour Marie, que la famille Edgermond se trouvait réunie dans la salle à manger du château, où chacun avait pris sa part du déjeûner. On allait se séparer, quand lord Edgermond fit signe à sa famille de se rasseoir et de l’écouter avec attention.