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sentiment était-il bien pur ?… C’est ce que nous ignorons ; mais le fait est du moins que jamais un mot, un regard, n’avaient pu faire soupçonner à mistriss Nellys que lord d’Estall eût d’autres sentimens pour elle que ceux qu’il lui avait témoignés avant son mariage, et c’était dans toute l’innocence de son âme qu’Henriette jouissait de la société d’un homme dont la gaîté douce et sans apprêt, dont les louanges sans exagération, mais remplies de finesse, la plaçaient dans une sphère plus aimable que celle où la rigidité et le sérieux de sir Nellys la tenaient toujours ; car, à force de lui répéter qu’elle avait un caractère peu formé, qu’elle ne possédait aucun usage du monde, Henriette se sentait un peu moins à son aise avec un mari qui la comprenait si peu, qui lui faisait, si ce n’est un crime, du moins un tort de la gaîté et de l’abandon de son caractère. Sans l’aimer moins, enfin, elle en était venue à le redouter un peu, et ce n’était plus devant lui qu’elle se laissait aller à cette aimable et franche gaîté d’enfant qui sied si bien encore à la jeunesse.

C’est un grand tort dans un mari, mais un tort trop commun, de vouloir imposer par sa présence et plus de retenue et plus de sérieux. Dans le principe, une femme dissimule, parce qu’elle aime ; ensuite elle dissimule pour avoir la paix ; et ces petites tromperies, d’abord presque innocentes, altèrent enfin la franchise