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étaient mouillés de larmes, et qui dit en se penchant à l’oreille d’un de ses amis :

« En vérité, cela est trop cruel, et si j’étais l’époux de cette céleste créature, je ne pourrais me décider à lui causer une telle douleur. »

Lord d’Estall était précisément l’homme d’Angleterre qui déplaisait le plus à sir Nellys. Ce n’était pas parce qu’il avait une figure charmante et une taille remarquable, ce n’était pas parce qu’il chantait comme un ange, jouait de plusieurs instrumens et avait appris aux jeunes miss avec quelle légèreté et quelle grâce on dansait le galop à Paris ; non, ce n’était pas cela. Edouard Nellys avait trop de mérite lui-même pour être jaloux de celui d’un autre ; mais lord d’Estall avait une manière de se conduire dans le monde et de le juger qui était précisément antipathique avec les principes aristocratiques et rigides dans lesquels sir Nellys avait été élevé.

Quoiqu’il fût encore très-jeune, lord Charles d’Estall avait habité long-temps la France ; il en était revenu avec les idées larges et libérales qui dominent la jeunesse de ce pays. Accoutumé à vivre dans la société de Paris, où les femmes ont un empire si incontestable, il ne concevait pas comment ses compatriotes pouvaient se résoudre à ne jouer, quand elles étaient mariées, que le rôle de mères et de nourrices ; cette liberté