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compte de tes actions les plus innocentes, de tes pensées les plus secrètes. Je sais bien que tu n’en auras jamais dont tu doives rougir ; cependant, tu seras bien jeune encore quand sir Nellys sera un homme fait, désabusé ; car, vois-tu, Henriette, les hommes se désabusent de tout ; le frottement du monde les rend soupçonneux et souvent durs. Tu as seize ans, Nellys en a trente-deux ; tu seras encore bien brillante, tu aimeras encore beaucoup les plaisirs, qu’il ne s’occupera plus, lui, que d’affaires sérieuses. Peut-être auras-tu seule la garde de ton innocente vie et de tes actions ; mais qui sait si Edouard alors ne t’en demandera pas sévèrement compte ?

— Vous m’effrayez, mon père, murmura Henriette en laissant tomber sa tête d’ange sur l’épaule du vieillard ; moi dont l’enfance a été si gâtée, dont la première jeunesse a été si heureuse, aurais-je donc tort de me marier ?

— Je ne dis pas cela, mon enfant, se hâta d’ajouter le vieux grand-père, désolé d’avoir fait couler les larmes d’Henriette ; tu seras heureuse, si tu veux être prudente. Pour cela, mon enfant, il faudra réfléchir avant d’agir, veiller sur tes actions, sur tes paroles, même les plus innocentes. Tiens, l’autre jour, j’étais en calèche et toi à cheval ; eh bien ! j’ai parfaitement remarqué le nuage qui s’est répandu sur la physionomie d’Edouard quand il t’a vue sortir de la cour, seule avec le comte d’Estall.