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qui devenait, dans l’état de son âme, une compensation à des émotions plus vives. Emma, moins âgée qu’elle de cinq ans, Emma, faible, souffrante et pauvre, avait été placée dans la même pension qu’Hortense de Merville : elle ne recevait ni les mêmes leçons, ni les mêmes soins ; on ne payait qu’une médiocre pension pour elle, et par conséquent on ne lui enseignait presque rien. Heureusement la pauvre enfant avait reçu du ciel les dons que quelquefois il accorde à ceux auxquels il refuse la fortune : un caractère doux, aimable, et une facile intelligence ; aussi était on forcé de rendre justice à sa beauté et à sa grâce. Mais si ses compagnes souffraient que les doigts de la pauvre jeune fille posassent sur les touches de leur piano alors qu’on ne pouvait l’entendre, ou qu’elle copiât leurs modèles de dessin, Emma n’était jamais nommée aux concours, jamais elle ne recevait de prix, et on la croyait ignorante, parce qu’on ne parlait pas d’elle, ou qu’on ne vantait que sa douceur. Emma était donc bien malheureuse quand arrivaient ces grandes solennités si dangereuses pour la vanité, ces jours d’apparat ou la pureté d’une jeune fille perd déjà de sa candeur première, car elle connait l’envie, et son amour-propre lui fait voir presque des ennemies dans ses compagnes. En effet, ces brillantes luttes sont toujours faites aux dépens de l’utile ;