Page:Collectif - Le livre rose - 1.pdf/319

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

volonté longue et soutenue, son caractère n’en était pas moins impérieux et violent. Madame de Servière avait été élevée comme presque toutes les femmes qui sont destinées à avoir de la fortune : on avait dépensé beaucoup pour lui donner des talens qu’elle avait négligés aussitôt qu’elle avait été mariée. Elle passait sa vie à faire des visites, à s’occuper de sa toilette et à critiquer celle des autres.

Mariée sans amour comme sans répugnance, le sentiment le plus vif qu’elle éprouva dans cette occasion fut celui d’une vanité satisfaite ; monsieur de Servière était un fort bel homme, il jouissait d’une très-bonne position dans le monde, et plus tard il devint chambellan. Six ans se passèrent. Madame de Servière croyait remplir tous ses devoirs, parce qu’elle ne rendait tout ce qui l’entourait qu’à demi malheureux, parce qu’elle n’avait jamais heurté, du moins ouvertement, la volonté de son mari, et qu’ils vivaient dans un état d’impassibilité qui ressemblait au bonheur. Cependant, si elle l’avait voulu, elle aurait pu être tendrement aimée, elle eût pu vivre de cette existence de femme qui prolonge la jeunesse : car le cœur de M. de Servière était bien disposé, dans les commencemens de son mariage, à s’attacher à une jeune personne douée d’une beauté remarquable, et assez bien élevée pour flatter sa vanité.