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prit pour une praline. Je ne sais trop comment la chose arriva, et si l’amande était une noisette ; mais le fait est qu’elle se cassa net une dent du milieu. La dent tomba dans son assiette, et le domestique qui se trouvait derrière l’enleva aussitôt. Amélie n’avait pas poussé un cri ; elle posa le coude sur la table, et regarda autour d’elle si on s’en était aperçu. Tout le monde l’avait vu distinctement, tous les regards étaient sur elle, et les plus charitables des convives ne manquèrent pas de crier à tue tête.

Impossible de faire remettre la dent funeste. « Madame une telle a une dent postiche. » Déjà elle entendait chuchoter, sa beauté était perdue, son règne était passé.

Garnier la dévorait des yeux. Comme il la plaignait sincèrement, lui, que cette fatale beauté avait réduit au désespoir ! Comme il serait tombé de cheval huit jours de suite, tous les matins et tous les soirs, devant la ville et la campagne, pour rattacher à cette bouche adorée la perle qui en était tombée ! comme il souffrait pour elle ! comme de grosses larmes roulaient dans ses yeux ! comme il la suivit tristement lorsque, prenant son châle et son chapeau, elle se fut enfuie dans le jardin pour y pleurer à chaudes larmes !

Amélie était au désespoir ; son étoile était tombée dans l’immensité. De tant de plaisirs et d’orgueil, il ne