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Me promenant un jour à cette époque dans le jardin de ce brave homme avec mon ami Garnier, je lui faisais remarquer comme le bonheur dépend ici-bas de peu de chose : que se serait-il passé le 27 juillet s’il avait fait une pluie battante ? Que serait devenu l’univers, si Brutus, aux ides de mars, eût avalé, comme Anacréon, un grain de raisin de travers ? Que feriez vous vous-même si vous gagniez à la loterie ?

Garnier, ne mettant point à la loterie, niait positivement la chose. Il détestait la littérature philosophique, et s’était opiniâtré toute sa vie à s’abandonner avec confiance à ce même hasard qui le mystifiait si assidument. Il leva les yeux au ciel. Hélas ! sa brillante étoile avait disparu. La planète de la dame orange brillait solitaire et orgueilleuse dans un éther sans nuages. Un léger coup de vent fit frémir les feuilles, et une molle vapeur, glissant sur les collines lointaines, s’éleva tout-à-coup de l’horizon. Elle monta silencieusement vers la voie lactée ; puis, s’épaississant de plus en plus, elle s’arrêta, comme incertaine de sa marche. Les rossignols chantaient au bord de la pièce d’eau ; les fleurs s’épanouissaient sous la rosée. Un bruit sourd et éloigné annonça que l’air se chargeait d’électricité ; alors la nue s’abaissa sur la terre, et, comme par un ressort magique, étendit deux sombres ailes de l’orient à l’occident. Une faible fissure, semblable à une meur-