Page:Collectif - Le Livre rose vol 2.pdf/368

Cette page n’a pas encore été corrigée

la forme d’un melon mal digéré ou d’un roman nouveau, est, dit-on, tout aussi réelle que celle qui habite le toit d’un pauvre diable sous la forme d’un mémoire de blanchisseuse ou d’un bouton de moins à un unique habit. Cela n’est ni juste ni charitable. Pour les riches, la tristesse n’est que la sœur de l’ennui ; elle entre parfois par les balcons entr’ouverts, pour traverser, comme un fil de la bonne Vierge, les longues galeries ; elle s’accroche un instant aux lambris sculptés et aux angles des cadres gothiques. Puis l’aboiement d’un chien, le parfum d’une tasse de thé la chassent et la dissipent dans les airs. Mais elle étend dans les mansardes, de la porte à la fenêtre, sa longue toile d’araignée ; de faibles rayons de soleil glissent à peine et se font jour entre ses réseaux épais ; un insecte y danse çà et là au milieu d’un flot de poussière, tandis que le monstre aux pattes velues s’y accroche et s’y suspend dans tous les sens.

Garnier ouvrit sa fenêtre. Hélas ! quel beau froid il faisait ! comme s’il y avait de beaux froids quand on compte ses bûches ! le soleil était sans nuages, la terre sèche et nette comme une assiette d’étain. Les voitures allaient et venaient. Et lui aussi il aimait la vie ! et lui aussi il était abonné à un cabinet de lecture, et il était plein de désirs, plein de sève et de fermentation, comme un drame moderne !

Et lui aussi il voyait passer dans ses rêves des légions