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doux et noirs comme les tiens. Mais, pardonne, ma Juanita, bientôt j’ai commencé à sentir que mon cœur battait auprès du sien, à craindre, enfin, de l’aimer pour elle-même ! N’est-ce pas qu’alors je dois mourir ? n’est-ce pas que le jour où une image adultère se glisse devant la tienne, doit être le dernier de mes jours ? »

La voix de Richard Harrington devint si basse et si entrecoupée que je ne pus saisir le sens de ses paroles ; par momens il parlait avec vivacité, puis suivait un long silence, ne s’exprimant plus que par de longs baisers qu’il déposait sur les dents froides et grimaçantes de Juanita. Toute la soirée se passa ainsi. Peu à peu il tomba dans l’épuisement, dans l’engourdissement de l’ivresse ; et alors je me retirai, rassuré sur les mots inquiétans que cette même ivresse lui avait arrachés.

À minuit, je dormais d’un profond sommeil, lorsque je fus réveillé par la détonation d’un pistolet ; je jetai un cri perçant ; en un moment je fus auprès de Richard Harrington : il respirait encore.

« Je vais rejoindre Juanita, dit-il ; Rosine est à vous » Et ses yeux se fermèrent.

Clémence Bailleul.