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LA SOCIÉTÉ LAUSANNOISE. SÉJOURS DE VOLTAIRE ET DE GIBBON

de Pologne, par l’électeur de Hanovre, par le duc de Choiseul et le Sénat de Venise ; ils lui offrirent de brillantes positions ; il les refusa ; il accepta cependant de Joseph II une chaire à l’université de Pavie, en 1781 ; mais il la quitta, après deux ans de professorat. À son départ de Pavie, une table de marbre avec une inscription rappelant son enseignement fut placée dans une des salles de l’université.

En 1779, l’empereur Joseph II, âgé de vingt-huit ans, fit un grand voyage en Europe sous le nom de comte de Falkenstein ; il vit à Paris M. Necker, et à Genève, Horace-Bénédict de Saussure ; il s’arrêta à Lausanne, le 25 juillet. D’après une relation manuscrite, due à la plume de César de Saussure, il descendit à l’hôtel du Lion d’or[1], tenu alors par le sieur Traxel ; il fit demander le Dr Tissot, qui fut frappé des connaissances étendues du jeune monarque. M. le Bailli voulut lui présenter ses hommages, mais il se fit excuser disant qu’il ne recevait pas de visite ; il s’était imposé la même consigne à Genève et ailleurs. Après un tour de ville, il fut conduit par son hôte sur la terrasse de la générale de Constant pour voir la vue ; là se trouvait réuni le monde élégant de Lausanne, M. de Cazenove, M. de Polier, M. de Crousaz, etc. ; il eut un mot aimable pour chacun et se retira à huit heures du soir, laissant tous les Lausannois qui avaient eu l’honneur de l’approcher sous le charme de son affabilité.

Avec l’indiscrétion qu’ont parfois les mères quand est en jeu l’intérêt de leur progéniture, Mme Blaquières lui tint ce petit discours : « J’espère, M. le comte, que vous pardonnerez à la tendresse d’une mère la liberté que je prends de vous recommander mon fils cadet. Depuis quelque temps, il a l’honneur d’être au service de S. M. impériale ; comme je sais que vous êtes très bien en cour, je vous supplie de bien vouloir prendre sous votre haute protection mon fils, moyennant qu’il s’en rende digne par une bonne conduite. » L’empereur s’informa du régiment et de la compagnie où servait le jeune officier, Mme Blaquières s’em-

    Chés Mr le Cons : Polier en Bourg : Me Du Plessis femme du Commissaire des Gardes suisses & sa fille.

    Chés la Viollet en Etraz : Une Chanoinesse De Remiremont avec plusieurs gentilshommes ; — Le Comte De Rohan Chabot de Jarnac.

    On attend le Prince De Carignan et son fils, sa femme fille de ma Dame De Brionne qui doivent arriver de Turin & prendront lapartement de Mr le Conseiller Polier sur St François ; — L’Evêque de Castres ; — Le Duc De la Rochefoucaut ; — Milord Kavendisch ; — La Comtesse d’Egmont ; — Le Comte Falletty Ecuyer du Duc de C… ; — Le Comte de Fainckenstein & Mr Mag Dowald ; — La Princesse De Pignatelly, celle de Lignes, celle de Lembale ; — Le Comte Bonfioly Malvetzy ; — Mr Veston et sa famille ont loué la Chablière de Mr Constant.

  1. L’auberge du Lion d’or, a été fermée en 1842, mais on voyait encore son enseigne, il y a une quarantaine d’années sur le numéro 16 de la rue de Bourg. C’est au Lion d’or que le major Davel fut invité à souper par le major de Crousaz, le boursier Milot et le banneret Polier de Bottens, la veille de son arrestation. C’était le meilleur hôtel de la ville ; sa table était réputée. Dans ses souvenirs d’émigration, le fameux gastronome Brillat-Savarin célèbre les mérites de sa cuisine en ces termes : « Quels bons dîners nous faisions en ce temps-là à Lausanne, au Lion d’or. Moyennant quinze batz, nous passions en revue trois services complets, où l’on voyait, entre autres, le bon gibier des montagnes voisines, l’excellent poisson du lac de Genève, et nous humections tout cela, à volonté et à discrétion, avec un petit vin blanc limpide comme eau de roche et qui aurait fait boire un enragé. » Beaucoup d’autres notabilités ont logé au Lion d’or, entre autres l’orateur Fox en 1788 ; en 1797 le général Bonaparte s’y arrête. En 1810, c’est l’ex-impératrice Joséphine qui y descend, en 1814 Marie-Louise, en 1815 la reine Hortense, en 1822 le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III et ses deux fils, et la même année Capo d’Istria.

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