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LAUSANNE À TRAVERS LES ÂGES

brûlaient au milieu de la rue avec une infinité d’extravagances le tonneau qu’ils avaient vidé. Ils protégeaient ouvertement les filles de mauvaise vie et maltraitaient les ministres lorsqu’ils parlaient contre eux. »

Ces mœurs, quoique un peu atténuées, étaient encore celles des « escholiers » de l’ancienne Académie, que tançait vainement le réformateur Viret.


Escaliers du Marché, partie supérieure.
La ville de Lausanne n’était pas riche. Ses revenus ne provenaient que des tributs levés sur les Juifs et les Lombards[1] ; ils ascendaient, en 1507, à 454 livres, ce qui, si l’on tient compte de la dépréciation de l’argent (en prenant comme terme de comparaison la valeur du froment), représenterait aujourd’hui 4 400 francs. Les dépenses étaient la même année de 433 livres, soit 4 193 francs. À la fin du même siècle, en 1582, les revenus de Lausanne étaient de 14 723 florins, soit 47 877 francs, et les dépenses de 13 591 florins, soit 44 165 francs. Lorsque les revenus ordinaires de la ville ne suffisaient pas, en cas de réparation à faire aux fortifications, de levée de troupes ou autre dépense extraordinaire, les Conseils décrétaient des impôts spéciaux, appelés giètes : c’étaient des contributions de tant par feu. Quelques indications puisées dans les Manuaux par Ernest Chavannes permettront de se faire une idée du prix de la vie au commencement du seizième siècle. En 1505, une livre de bœuf se vendait 6 deniers (= 26 centimes en valeur actuelle), une livre de mouton 6 deniers, une livre de porc 6 deniers, 12 perdrix 60 sols (= 32 francs). En 1526, une livre de bœuf 5 deniers (= 19 centimes), une livre de mouton 6 deniers (= 24 centimes). Le goût des plaisirs était très vif ; les bourgeois profitaient de toutes les occasions pour banqueter et se réjouir. Les repas de noce se faisaient dans les hôtelleries ; il était d’usage que les amis des époux et même de simples relations puissent s’y rendre et participer au banquet en offrant des étrennes aux époux. Quand se mariait quelque personnage influent, il se trouvait des centaines de personnes à sa noce ; les ménétriers étaient appelés, et la nuit se passait en danses jusqu’au matin.

La ville étant la propriété de l’Église de Lausanne, la Commune n’avait que peu de biens propres ; mais les nombreux actes de vente et testaments des quatorzième et quinzième siècles qui nous ont été laissés, nous représentent une population aisée, se vouant essentiellement au commerce. Auprès de la cathédrale, à portée des pèlerins, se trouvent les ateliers des orfèvres, des scriptores

  1. On désignait alors sous le nom de Lombards ou de Cahorsiens les banquiers : les ressortissants de la Lombardie et ceux de la ville de Cahors, s’étaient fait une spécialité du commerce de l’argent.