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Banque cantonale. Bâti en 1825, il a été démoli en 1891 pour permettre l’achèvement de l’avenue du Théâtre. C’était un bâtiment fort bien compris, possédant une jolie salle de conférences, pouvant contenir 400 personnes et servant à toutes sortes d’usage.

Cette salle a joué un rôle historique : des assemblées politiques s’y sont tenues en 1845 et en 1861. C’est là aussi que siégèrent, en septembre 1869 et en septembre 1871, les Congrès de la Paix sous la présidence de Jules Eytel, que secondait Chappuis-Vuichoud. On y vit sur l’estrade Victor Hugo, Jules Ferry, Edgar Quinet, Simon (de Trêves), Hodgson-Pratt, Ferdinand Buisson, Sonnemann, Elie Ducommun, James Fazy, William Reymond, le prof. Raoux, Blech, Armand Gœgg, Lemonnier, Mme Paule Minck, Mme Gœgg, Mme Delhomme, Mme André Léo, etc. — A côté des personnages de premier plan en figurent d’autres qui eurent leurs moments de célébrité et dont les noms sont aujourd’hui oubliés. On y lut des lettres enflammées de Mazzini, de Gambetta, de Michelet ; on y refit en idée la carte de l’Europe.

Le premier de ces congrès avait été digne : c’étaient les « vieilles barbes » de 1848, les idéalistes à la manière de Victor Hugo, qui y prédominaient. Le second fut tumultueux ; les communards, le cordonnier Gaillard en tête, y menèrent grand tapage ; au nom de la Liberté, on y fit l’éloge du crime et de l’anarchie ; les tribunes où se trouvaient Edmond de Pressensé, Adam Vulliet et nombre de Lausannois protestèrent. Une partie des congressistes se joignirent à ces protestations ; on n’en mit pas moins à la porte, toujours au nom de la Liberté, le reporter de L’Estafette, qui avait parlé irrévérencieusement du congrès, et — comme l’écrivait l’un de ses collègues — le vaudeville tourna au drame. Les séances suivantes furent moins orageuses : les éléments modérés reprirent le dessus ; la parole fut retirée aux défenseurs de la Commune. L’assemblée aborda la question d’Orient, et termina ses travaux par l’adoption de thèses (formulées par Simon de Trêves et Lemonnier), entre lesquelles on peut remarquer celles-ci : « L’obéissance aux verdicts du suffrage universel prononcés par la majorité est le premier devoir du citoyen. » — « Il n’y a République que là où il y a autonomie, c’est-à-dire là où l’indépendance humaine est respectée. » — « Le droit des populations de disposer d’elles-mêmes est supérieur à leur nationalité. » Le congrès se termina par un banquet où les éléments tapageurs reprirent le dessus : Mmes Paule Minck et Delhomme étaient débordantes d’enthousiasme, le communard Gaillard porta, pour terminer, un toast aux « trois plus grands héros de l’humanité » : Guillaume Tell, J.-J. Rousseau et Marat !

Peu d’années après, le même Casino, dont les jours étaient comptés, abrita provisoirement le Tribunal fédéral, lorsqu’il vint se fixer à Lausanne le 1er janvier 1875. Les juges fédéraux eurent, comme salle de délibérations, l’ancienne salle des concerts ; le greffe s’établit dans l’ancien café Widmer.

En 1871 fut inauguré le Casino-Théâtre actuel.

Il fut construit par une société anonyme ayant à sa tête un comité composé de MM. F. de Loys, S. Charrière de Sévery, Ph. Ogay, Albert Francillon et