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de ville étaient les halles pour la vente du blé. En 1674, notre petit palais municipal subit de grandes transformations : on l’exhaussa d’un étage[1], et c’est de ce temps que date la belle façade renaissance qui donne sur la place de la Palud, avec son joli beffroi qui paraît inspiré par celui de l’Académie. Ces deux clochers ont ceci de particulier que leurs échauguettes, au lieu d’être placées aux angles, comme cela se fait généralement, sont implantées sur le milieu des faces du beffroi. La transformation de l’hôtel de ville fut dirigée par Abraham de Crousaz, major et maisonneur de la ville. Sur la porte de la salle des pas-perdus, se trouve un tableau allégorique de forme ovale, portant la date de 1684, dont le sujet et la sentence « Nihil silentio utilius » étaient un garde-à-vous destiné à rappeler aux membres trop loquaces du Conseil des Deux-Cents et de celui des Soixante, le serment qu’ils avaient prêté à leur entrée en charge de ne rien divulguer de leurs délibérations.

Tout près de la Palud est le quartier de Saint-Laurent. Il existait déjà, en l’an mille, sur cette place, une église. Elle fut démolie après la Réformation et ne fut remplacée par un temple moderne qu’en 1715 ; la dédicace en fut faite en 1719 par le doyen Bergier. Les maîtres d’état qui avaient construit cet édifice avaient montré peu de conscience dans l’exécution de leurs travaux, et, à teneur d’une décision du Conseil, les constructeurs Pierre Barraud et Pierre Bibelot « vu leur mauvaise foi, et pour engager les maîtres à mieux remplir leurs devoirs, furent condamnés à huit jours de prison à pain et à eau, et à toutes les réparations qu’on a été obligé de faire pour mettre le temple en sûreté. »

La façade de ce temple fut reconstruite en 1763 dans le goût de l’époque, sur les plans du contrôleur Rodolphe de Crousaz de Mézery. Remarquons, à ce propos, que le nom de la famille de Crousaz, comme ceux des familles de Loys et de Polier, se trouve intimement lié à l’histoire de la ville de Lausanne.

Si nous continuons notre promenade à travers la ville, nous passons le Grand-Pont, et nous arrivons sur la place de Saint-François. Là se trouve un temple qui, avec son clocher élancé, sa gracieuse abside, ses modernes arcades et ses jolis porches est bien digne de fixer notre attention. Et dire qu’un membre du Conseil, un Confédéré, à tendances très modernes il est vrai, a émis l’idée qu’il fallait le démolir ! Mais le Conseil communal a compris ce que la place de Saint-François, aujourd’hui si animée, eût perdu, une fois dépouillée de son motif central, et il a voté sans broncher des crédits considérables[2] pour la restauration de notre vieux temple. Ces travaux ont été dirigés successivement par MM. les architectes G. Rouge, Ch. Melley, Th. van Muyden, Mauerhofer et van Dorseer. La décoration intérieure sera prochainement complétée par des vitraux qui ont été commandés à M. Clément Heaton, peintre-verrier anglais, établi à Neuchâtel. »

  1. La Louve passait autrefois à ciel ouvert au midi de l’hôtel de ville ; une voûte, depuis longtemps, la dérobe aux regards des passants, la façade de l’hôtel de ville, qui donne sur la place de la Louve, moins l’étage supérieur, est tout ce qui reste des façades antérieures au dix-septième siècle.
  2. La restauration du temple de Saint-François a coûté 433 000 francs ; elle a été facilitée par un legs de 100 000 francs que M. le banquier Bessières a fait à la ville dans ce but.