Page:Collectif - Lausanne à travers les âges, 1906.djvu/138

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’Othon III, le premier poète du pays romand. C’était un seigneur riche, puissant et valeureux, considéré comme une sorte de héros national : il joua un rôle important à la cour de Savoie, où ses succès excitaient l’envie. Accusé d’avoir, de concert avec Bonne de Bourbon, fait empoisonner le comte Amédée VII par le médecin Grandville, en 1391, il fut blanchi de cette accusation par une enquête, ordonnée sur sa demande, par le roi de France Charles VI, à laquelle participèrent les ducs de Berry, de Bourgogne, d’Orléans et de Bourbon. Des soupçons n’en continuèrent pas moins à courir. Gérard d’Estavayer, qui était jaloux de la renommée d’Othon, le provoqua en combat judiciaire, et le malheureux sire de Grandson, qui avait déjà plus de soixante ans, succomba, le 7 août 1397, à Bourg en Bresse, dans ce duel inégal avec le jeune champion de la noblesse vaudoise.

Notre regretté collègue de la Société d’histoire de la Suisse romande, le professeur Henri Carrard, a consacré à ce sujet une étude intéressante[1], où il conclut qu’il se pourrait bien qu’Othon III ne fût pas étranger à l’empoisonnement dont fut victime le Comte Rouge. M. Arthur Piaget, professeur à Neuchâtel, dans sa charmante monographie[2] sur les complaintes, les virelais et les ballades du doyen de nos poètes, sans trancher la question, semble plutôt croire à son innocence ; il se rattache à l’idée que l’empoisonnement d’Amédée VII pourrait être le résultat, non d’un crime, mais plutôt de l’ignorance du médecin qui traitait ce prince.

Quoi qu’il en soit, il est prouvé que ce n’est pas à la mémoire d’Othon III que fut élevé le monument de la cathédrale, mais bien à celle d’Othon Ier, le frère de son bisaïeul. Othon Ier était l’un des bienfaiteurs de Notre-Dame de Lausanne, et, par son testament, du 4 avril 1328, il demanda à y être inhumé. Ce fut lui qui fonda la chartreuse de la Lance.

En dépit des réparations[3] partielles, exécutées au cours du dix-huitième siècle par l’architecte de la Grange, sur l’ordre du gouvernement bernois, l’état de l’église laissait beaucoup à désirer, et d’importants travaux s’imposaient. Le contrôleur Rodolphe de Crousaz de Mézery en signala la nécessité en 1766 à LL. EE. Celles-ci déléguèrent le directeur des travaux de la république, de Sinner, à l’effet de voir « s’il ne serait pas plus avantageux pour le Trésor de faire démolir cet antique édifice et de construire à sa place une église plus petite, mais suffisante pour la paroisse de la Cité. » M. de Sinner eut l’esprit de démontrer que les frais de la démolition proposée et de la reconstruction d’un nouveau temple s’élèveraient au moins au double de ceux que comportait la réparation de l’édifice.

  1. « À propos du tombeau du chevalier de Grandson », publié dans les Mémoires et documents de la Société d’histoire de la Suisse romande, 2e série, t. III, 1890.
  2. Oton de Granson et ses poésies, dans la Romania, t. xix, 1890.
  3. Voir à ce sujet, La cathédrale et ses travaux de restauration 1869-1898. Notice rédigée sous les auspices du Comité de restauration, par M. Louis Gauthier, chef de service au Département de l’Instruction publique et des Cultes, secrétaire du Comité. Lausanne, A. Borgeaud, 1899.