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MM. Pichon[1] et Clémenceau, firent une forte campagne en sa faveur ; enthousiasmés certainement par leur grand cœur et leur sincérité, mais ils connaissaient mal les Japonais, et ils se sont malheureusement trompés sur leur compte.

Au Japon l’état d’esprit était bien différent. L’opinion publique ne s’intéressait guère à la question européenne et toute son attention était tournée vers la Chine. M. G. Hanotaux, également homme de grande valeur et ancien ministre, mieux renseigné, ne s’y trompa pas ; il était allé à la source sûre, c’est-à-dire puiser dans les journaux japonais le véritable critérium de la question, et il faisait connaître (dans le Figaro) cette véritable opinion, qui étonna tout le monde et calma de suite l’engouement général[2].

« Le Hiochi (journal officieux du comte Okuma), estime que l’armée japonaise est faite pour le Japon lui-même, pour la défense de ses propres intérêts et non pour la satisfaction d’un idéal de gloire et de virtuosité militaire.

« Le Kokumin (directeur politique : Okuma) est catégorique et opposé à une telle suggestion. Il dit que l’armée japonaise est l’armée d’une action indépendante et purement japonaise.

« Le Nichi Nichi, dit que l’armée japonaise est plus nécessaire en vue d’une action en Chine. »

Telle était l’opinion des journaux les plus grands et les plus officieux du Japon !

Nous savions donc, nous Chinois, dès le début de la Guerre Européenne, que nous allions recevoir l’avalanche japonaise, que l’Europe trop occupée ne pourrait venir à notre secours, et que ce serait là tout « le beau geste de désintéressement » du Japon.

La Conférence sino-japonaise se réunit donc. Les Japonais essayèrent d’abord de décider la Chine à discuter en famille, disant que cela ne regardait pas les autres ! Le Gouvernement japonais n’a jamais du reste fait connaître au public le nombre ni le contenu exact de ses demandes. Ce fut la Chine qui, voyant le piège, les porta à la connaissance générale[3].

  1. Le Japon allié. (Petit Journal, M. S. Pichon, 29 nov. 1914). « Le moment des actes décisifs est proche. Il faut que les alliés emploient toutes leurs forces à chasser les Allemands de France et de Belgique, et à débarrasser le monde des barbares qui menacent la civilisation.
    « Le Japon a sa place marquée parmi les pays qui luttent pour leur liberté et pour celle de tous les peuples opprimés (?). Il a brillamment servi leur cause (?). Il représente une puissance militaire de premier ordre. Il vient de donner en Chine une nouvelle preuve de la supériorité de ses armes. Il est officiellement l’allié de l’Angleterre ; il a des conventions avec la France et la Russie ; il est en guerre avec l’Allemagne. Que cette situation se traduise par autre chose qu’une intervention sur les côtes chinoises. Qu’on discute et qu’on arrête avec lui les conditions de son concours dans les batailles européennes. Il y pèsera d’un poids considérable. Mais il ne faut pas perdre de temps. »
  2. Les chancelleries durent intervenir, comme nous le sûmes plus tard, afin de refréner cet « emballement » qui ne reposait sur rien !
    Voir plus loin en note, page 23, l’article de M. Clémenceau dans l’Homme enchaîné.
  3. North China daily News Sanghaï, 16 février. « Le Japon a informé certaines puis--