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— LA PREMIÈRE RIDE. —

mélancoliquement sur une tombe si souvent solitaire, tout fut reproche et tristesse. J’y restai long-temps, demandant à cette pierre un conseil et de la force ; mais le silence semblait m’apprendre que je ne devais en attendre que de ma raison.

Depuis long-temps je n’étais point venue m’asseoir près des cendres de mon mari, et les arbustes qui les couvraient avaient pris une croissance qui accusait mon oubli. Hélas ! combien j’avais été facilement distraite, et pourtant combien j’avais été passionnée pour cet infortuné descendu sitôt dans sa dernière demeure. Il me semblait, au travers son épais lit d’argile, revoir sa figure embellie de jeunesse et de plaisir. Je me faisais pitié d’avoir été si facilement inconstante, et je me demandais alors si ce n’était pas de la folie de dire tant de paroles irrévocables pour un sentiment aussi fragile que celui de l’amour. Je me crus dans ce moment très-forte et bien en garde