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— LE LIVRE DES FEMMES. —

raison, ne fut point entièrement perdue pour moi ; elle m’avait dit beaucoup de choses tristes et vraies : si elle avait, en parlant d’amour, frappé un peu fort, elle avait frappé juste, et je lus avec plus de calme que je ne l’aurais cru un instant auparavant un billet de M. de Seignelay qui se plaignait de ne pas avoir été reçu depuis deux jours. Je fis répondre verbalement que j’étais un peu mieux, mais encore hors d’état de le voir. Je sentais le besoin de consulter non une amie trop indulgente, non quelqu’un que les passions agiteraient aussi, mais le calme d’une tombe, et je me rendis seule à celle de mon mari.

La solitude d’un cimetière produisit sur moi un effet que je ne pourrais bien exprimer ; ce ne fut point de la crainte, de la terreur, mais un détachement de tout, calme et désolant à la fois. Ce marbre insensible et froid, les arbres qui bruissaient