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— LA PREMIÈRE RIDE. —

monde où une femme ne peut plus vivre après avoir connu les passions.

Arthur et Roger parlaient encore, mais je ne les écoutais plus : que m’auraient-ils appris ? que l’amour ne pouvait vivre longtemps dans un cœur d’homme, et que, lorsqu’il l’abandonne, il ne laisse après lui ni souvenir, ni reconnaissance ; qu’on me préférait une courtisane parce qu’elle était plus jeune et plus fraîche, et que cet homme qui m’avait fait tant de sermens, qui m’avait juré un éternel amour, se sentait désenchanté parce qu’il avait découvert un léger sillon sur ma figure. Pitoyable petitesse ! quoi ! c’était lui que j’avais tant aimé, que pour mon malheur j’aimais tant encore, qui faisait mentir ainsi toutes les perfections que je m’étais plue à lui prêter. Ah ! j’étais bien malheureuse ; mais dans ce moment ce qui m’effrayait le plus, c’était la pensée de revoir Arthur ; c’était la crainte qu’il n’aperçût