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— LA PREMIÈRE RIDE. —

ble sécurité nous faisions d’heureux projets pour le temps où notre union serait consacrée par les lois ! car nous devions alors nous éloigner du monde, vivre entièrement pour nous, ne rien sacrifier à cette société qui nous était devenue si importune ; mais elle se venge presque toujours du mépris ou de la négligence qu’on affiche pour elle, et le ridicule que nous dédaignions alors, mais qui devait porter ses fruits plus tard, s’attachait à nos actions si passionnées, à notre amour si différent de celui des autres. Hélas ! je devais aussi payer cher cette confiance dans le bonheur ; je devais apprendre qu’un sentiment exagéré est rarement accompagné de sécurité et de durée.

Cependant mon mariage avec M. de Seignelay n’était retardé que par une circonstance tout-à-fait indépendante de son désir : il s’agissait de la vie plus ou moins prolongée de son grand-père, qui laissait sa malédiction ou sa fortune à son petit-fils,