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impose la parole. Il y a chez beaucoup d’orateurs quelque chose de l’acteur : le cadre de la tribune comporte des gestes, des intonations de théâtre ; chez M. Clémenceau, rien de pareil. C’est, à la tribune, l’homme même, dans toute l’intensité de l’action, mais dans tout le naturel de la vie ordinaire. Il est tout entier à la lutte qu’il soutient. Rien n’indique, dans ses démonstrations, la pompeuse ordonnance d’un discours arrangé pour l’effet. L’ordonnance y est bien, mais le débit la dissimule souvent. On dirait des pauses au milieu d’un assaut pour reprendre haleine. Inutile d’ajouter que l’orateur dédaigne à la fois, et ces élans de passion presque lyriques par lesquels on cherche à saisir l’imagination d’un auditoire, et ces caresses flatteuses dans lesquelles d’autres endorment une majorité. Mais l’effet qu’il produit n’en est pas moins grand. Avec son éloquence directe, énergique et substantielle, il prononce le mot qui porte. Chez lui, la parole ne se distingue pas de l’action. Chaque fois qu’il descend de la tribune, il a taillé, coupé dans une question ou dans une situation, et l’on ne défait plus la besogne qu’il a faite.

Ce qu’une éloquence de ce genre exerce