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— Enfin, dit Sardou, qu’est-ce que cela vous fait d’essayer ? Ma Reine Ulfra est précédée d’une dédicace à Mlle Rachel. Cela pourrait peut-être attendrir la grande artiste ! »

Et il déroulait les cinq actes de sa tragédie sous les yeux de Chotel. La dédicace parut, en effet, au comédien faite pour flatter Rachel. « Eh bien, soit, revenez dans huit jours. Dans huit jours Mlle Rachel aura lu votre tragédie ! »

Au bout de huit jours, Sardou revient chez le directeur du théâtre de Belleville. Chotel lui donne des nouvelles de sa négociation : la dédicace fait plaisir à Rachel ; le début de la Reine Ulfra l’a intéressée, mais elle a bientôt interrompu Chotel, qui lisait, pour dire : « Non, une pièce qui se passe en Suède, c’est impossible ! Dites donc à ce jeune homme qu’il écrive une pièce grecque et — qui sait ? — je la jouerai peut-être ! »

C’était l’arrêt de Mlle Rachel. Seulement Chotel y ajouta, avec une bonhomie profonde dont Sardou se souvient encore, des conseils touchants dans la bouche d’un vieil acteur : « Voulez-vous que je vous dise ? Je l’ai lue, votre Reine Ulfra. Je ne vous crie pas que c’est un chef-d’œuvre, mais il y a là l’instinct du