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chant, devenue un vrai cordon bleu, passa bien des années chez Bonne-Maman, et aimait les enfants et les petits-enfants comme s’ils eussent été les siens. Retirée chez elle après vingt ans de service, elle voyait Bonne-Maman venir la visiter et l’encourager à supporter ses infirmités.

La bonne Agnès, qui avait soigné nos jeunes tantes, venait la voir souvent, et quand elle fut atteinte du cancer qui devait la faire succomber, en 1879, Bonne-Maman veillait sur elle, et, ne pouvant plus aller la voir, priait Séraphine ou Thomas de la remplacer dans ses charitables visites. Aussi eut-elle toujours le bonheur d’avoir des personnes dévouées autour d’elle et de les conserver de longues années. Ce fut en dernier lieu, Amédée qui rivalisait avec Pélagie de soins et d’attentions pour elle.

Elle vivait donc entourée d’affections, et jusqu’à son dernier jour elle se donnait à tous. Sentant sa fin prochaine, elle ne voulait pas nous quitter pour ainsi dire malgré nous, elle répétait avec tendresse : « Mes enfants, laissez-moi m’en aller ! » Il semblait qu’elle voulût nous dire : Mes enfants, n’en ai-je pas fait assez pour vous ?

Comment douter qu’une vie si bien remplie n’ait reçu dans le ciel une récompense proportionnée à ses mérites, et comment ne pas aimer à nous représenter cette mère bénie, entourée de ceux de ses enfants qui l’ont précédée dans la vie bienheureuse et qui forment déjà une partie de sa couronne.

En conservant avec amour le souvenir d’une telle mère, notre devoir à tous est de recueillir les enseignements qu’elle nous a laissés, de nous les redire les uns aux autres, de perpétuer autour de nous ce culte qu’elle avait su nous inspirer en elle pour la religion, la famille, l’amour du prochain, le devoir sous toutes ses formes. Nous avons tous envers elle une dette de reconnaissance, que nous ne saurions acquitter, et en le disant jusqu’à notre dernier jour, nous satisferons à peine le besoin de nos cœurs, mais nous aurons la consolation de faire encore avec elle et par elle une œuvre de famille.