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quemment et lui consacraient de longs moments. Madeleine, enceinte et enrhumée, vint plusieurs fois. Aline amena de Vincennes sa petite fille. Louise était encore à Voiteur avec son père ; on les attendait de jour en jour. Thérèse était arrivée de Tours le jeudi matin pour aider sa mère déjà très fatiguée ; elle reçut le bon accueil accoutumé.

Le dimanche matin, la respiration devint tout à fait pénible ; cependant cette chère Bonne-Maman reconnaissait encore tous ceux qui l’approchaient ; plusieurs fois elle nous dit : « Mes enfants, laissez-moi m’en aller ; j’ai assez vécu, j’ai vu assez mourir, il est bien temps que ce soit mon tour » ; et à son médecin : « Docteur, Laissez-moi partir ! »

Elle demanda plusieurs fois quel jour on était, et, comptant sur ses doigts, elle s’arrêtait au 22 : c’était l’anniversaire de la mort de Bon-Papa, le jour où, tant d’années, elle avait été fidèle à aller prier au Père-Lachaise.

Dans un autre moment, comme d’un doux réveil, elle dit dans une effusion touchante : « Je suis en paix avec tout le monde ! » Cette parole si simple était comme le testament qu’elle nous laissait de toute sa vie. Séraphine lui demanda si elle ne désirait pas beaucoup que sa chère Louisette arrivât. « Je voudrais les voir toutes », répondit-elle. Son grand cœur, si maternel pour tous, se révélait encore ; le lundi, elle entendait Amédée tousser fortement : « Qu’on lui donne ma potion », dit-elle à plusieurs reprises ; cette fois encore faisant pour ses domestiques comme pour elle-même. Louisette arriva le lundi et elle la reconnut avec joie. Le soir elle était dans une douce agonie. Le matin elle avait eu encore une parole d’affectueux témoignage pour Jacques Meignan, venu avec Madeleine. À Ferdinand, elle laissa un mot qui devait rester à jamais dans son cœur : « Mon pauvre Ferdinand ! » lui seul pouvait en comprendre comme elle toute la tendresse ; et continuant sans parler à reconnaître tous les siens, elle serrait les mains de Séraphine et les portait à ses lèvres : c’était le dernier merci.

Jean avait pris le lit le même jour que Mamita, et ne devait plus se relever. Séraphine était fort souffrante. Thérèse passa les trois dernières nuits auprès de sa Bonne-Maman.