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faire, et confortablement organisée pour elle. Tout dans ses repas était choisi dans ce qu’il y avait de plus délicat et de plus approprié à sa santé ; les viandes lui étaient hachées dans une petite machine à son usage ; une petite canne lui aidait dans l’appartement à affermir sa marche, depuis que sa vue baissait si sensiblement ; mais bientôt la canne ne suffisait plus, et le bras de Séraphine ou celui de ses fils était toujours prêt à lui aider dans ses mouvements. Les petits-enfants aimaient à remplir auprès d’elle quelqu’une de ces chères fonctions : porter le sac ou la canne, chercher les clés ou la tabatière ; elle avait pour chacun un mot aimable et gracieux, qu’il emportait tout fier dans son cœur. Rarement on partait de chez elle les mains vides : c’était un petit paquet de gâteaux et de friandises pour les absents ou les malades ; à toute heure elle offrait quelque chose et se préoccupait du goûter de chacun ; elle pensait à tout, et ne voyant plus, il lui fallait à table s’assurer que chacun fût bien servi, comme si elle eût pu encore le faire elle-même.

Sa sollicitude pour les malades allait presque croissant, et, dès le matin, à peine éveillée, elle envoyait savoir des nouvelles de ceux qu’elle ne pouvait aller visiter. Si elle ne pouvait plus monter les escaliers, elle allait elle-même dans sa voiture et était si prévenante que, bien des fois, les amies, touchées de ses attentions, descendaient lui porter les nouvelles ; on montait auprès d’elle, et elle se dédommageait ainsi de ne pouvoir rendre les politesses qu’elle recevait ; aussi, même quand elle ne sortait plus, on venait la voir, la voir souvent, à toute heure du jour, car jamais elle ne refusa sa porte et faisait bon visage, même à ceux dont elle éprouvait un peu d’ennui et de fatigue.

Elle ne pouvait plus, comme à la rue Neuve-Saint-Augustin, réunir le dimanche tous les siens, mais chaque petite famille avait son jour, et les cousines étaient encore quelquefois réunies avec leurs jeunes enfants ; on était souvent nombreux. Hélas ! sa cécité lui était alors plus sensible ; elle mangeait très lentement et commençait quelquefois à s’endormir ; les larmes venaient aux yeux de ses enfants, et ces premières atteintes de l’âge étaient pour tous comme un crêpe de deuil qui assombrissait toutes les joies ; mais quelles attentions et prévenances l’entouraient alors, et